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Il est temps de réparer le monde en ligne, et non pas simplement de l'interdire.

29 avril 2025
Il est temps de réparer le monde en ligne, et non pas simplement de l'interdire.

Le débat sur l'utilisation des smartphones et des réseaux sociaux par les enfants s'est intensifié ces derniers mois. Des discussions urgentes et nécessaires ont lieu autour des tables de cuisine, dans les salles de classe et dans les cercles du pouvoir concernant l'impact des plateformes en ligne sur la santé mentale, le comportement et les valeurs des jeunes.

Mais traduire les préoccupations en actions s'avère plus problématique.
 
L'une des idées les plus discutées est celle d'un « âge numérique du consentement » : une proposition visant à interdire les smartphones et/ou les réseaux sociaux aux moins de 16 ans. Cette suggestion est née d'une frustration profonde et compréhensible. Mais est-elle réaliste, même si elle était applicable ?
 
Les faits sont alarmants. Des études indiquent que les adolescents passent plus de 7 heures par jour devant des écrans. Cela représente près de la moitié de leur temps d'éveil immergés dans la vie numérique. Les algorithmes, conçus par des experts du monde technologique, travaillent d'arrache-pied pour rendre les expériences en ligne addictives, stimulantes et émotionnellement engageantes. Reconnaissance, inclusion, approbation : ces valeurs sont la monnaie courante de l'adolescence, et les plateformes les ont ludifiées avec une précision extraordinaire. Mais sans suffisamment réfléchir aux dommages qu'elles peuvent infliger à nos enfants.
 
Mais la culture numérique n'est pas intrinsèquement toxique. Dans le meilleur des cas, elle est vaste, créative et stimulante. Elle offre connexion, identité, éducation et divertissement. Le défi est de savoir si nous pouvons construire un monde numérique meilleur plutôt que de simplement l'interdire.
 
Nous devons essayer de réduire ces 7 heures, ou du moins veiller à ce qu'elles soient davantage consacrées à l'interaction avec du contenu de qualité et fiable*1. Et c'est là que les médias de service public peuvent jouer – et jouent – un rôle essentiel.
 
Aujourd'hui, 85 % des radiodiffuseurs publics européens proposent une offre en ligne dédiée aux enfants*1. Ces espaces sont conçus pour le développement, la sécurité et la curiosité des jeunes, et pas seulement pour leurs données. Des fictions et documentaires imaginatifs à l'apprentissage interactif et aux jeux en ligne prosociaux, les contenus de service public offrent ce que les algorithmes ne peuvent pas offrir : un objectif, du sens et de l'attention.
 
Tout aussi important, les médias de service public présentent des modèles sains aux jeunes, et non des figures toxiques qui se nourrissent de l'indignation et de la division.
 
La sécurité des enfants en ligne est également une priorité pour les médias de service public. 86 % de nos membres proposent des activités d'éducation aux médias*2 destinées aux jeunes, comme Slim op het internet (Intelligent sur Internet) de la VRT, qui apprend aux enfants à gérer des situations allant du catfishing aux photos non sollicitées, ou HackShield de NPO, qui fournit aux enfants des ressources pour mieux comprendre les informations et les risques auxquels ils peuvent être confrontés en ligne. La liste est longue parmi nos membres en Europe.
 
Nous devons désormais nous assurer que les jeunes puissent trouver et découvrir tous ces contenus, et pas seulement les vidéos que les plateformes veulent qu'ils cliquent. Cela signifie que les gouvernements doivent mettre en œuvre les principes énoncés dans la directive sur les services de médias audiovisuels afin d'accroître la visibilité des contenus d'intérêt général sur les plateformes en ligne. Cela signifie également que les plateformes doivent être tenues responsables de la promotion de contenus toxiques et des algorithmes qui véhiculent des idéologies néfastes.
 
Car déstabiliser un écosystème, comme l'ont fait les grandes plateformes technologiques, a des répercussions considérables. Et ce que nous constatons aujourd'hui chez certains garçons et jeunes hommes est l'une des répercussions les plus effrayantes.
 
Alors, ne nous retirons pas du monde numérique. Façonnons-le. Inondatons-le de contenus informatifs, inspirants et inclusifs. Développons les espaces qui aident les jeunes à grandir, à se questionner et à se connecter.
 
Il ne s'agit pas d'un appel à la déconnexion, mais à la reconstruction.


*1 EBU-MIS basé sur les données des membres de 2024 : 46 organisations proposant une offre en ligne pour les enfants et 38 organisations proposant une offre en ligne pour les jeunes (y compris celles ayant répondu « partiellement »)

*2 EBU-MIS basé sur 28 réponses à l'enquête sur l'éducation aux médias des MSP
 

Liens et documents pertinents

Ecrit par


Noel Curran

Directeur général de l'UER

dgo@ebu.ch