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La vérité dans la balance : défendre la démocratie à l’ère de l’intelligence

20 janvier 2025
La vérité dans la balance : défendre la démocratie à l’ère de l’intelligence

Alors que les dirigeants mondiaux se réunissent à Davos pour la réunion annuelle du Forum économique mondial, sous le thème « Collaboration pour l’ère de l’intelligence », les enjeux pour la démocratie sont élevés.

Le rapport sur les risques mondiaux pour 2025 du Forum économique mondial souligne clairement l’urgence du moment : les risques perçus liés à la désinformation et à la mésinformation continuent de croître et sont à nouveau considérés comme les plus grandes menaces pour la société au cours des deux prochaines années. Les progrès rapides de l’IA vont accroître ces menaces. Elles ne sont pas abstraites. Elles ne sont pas futuristes. Elles sont là maintenant.

Deux autres forces puissantes accentuent également les risques.

D’un côté, de plus en plus de gouvernements répriment la presse libre, cherchant à contrôler ou à marginaliser des organisations comme les radiodiffuseurs de service public, dont ils considèrent l’indépendance même comme une menace. De l’autre côté, les oligarques de la technologie qui prétendent défendre la liberté d’expression président des plateformes où la vérité est souvent enfouie sous un torrent d’indignation, de mensonges et d’amplification incontrôlée. 

Dans un monde où la vérification des faits est présentée comme un obstacle à la liberté d’expression, ceux qui veulent corrompre et manipuler les flux d’informations publiques prospèrent.

La crise de la liberté d’expression et de la confiance

La liberté d’expression est plus qu’un principe ; elle fait partie intégrante du processus démocratique. Pourtant, elle s’accompagne de responsabilités. Le droit de parler librement n’est pas un droit de dire ce que l’on veut – d’inciter à la haine, de calomnier, de répandre des mensonges. 

Si la liberté d’expression est une pierre angulaire de la démocratie, la liberté d’expression est de plus en plus utilisée pour saper les démocraties. 

Les médias sociaux ont eu de nombreux impacts positifs sur la société et le monde. Mais notre expérience récente nous raconte aussi une histoire troublante. Un monde algorithmique, sans contrepoids, favorise les extrêmes, les voix les plus fortes et les manipulateurs intelligents ou riches, qu’il s’agisse d’individus ou d’États. Il confère également un pouvoir sans précédent à ceux qui contrôlent l’algorithme.

Dans un monde où même le concept de vérité est remis en question par certains de ses dirigeants les plus puissants, comment pouvons-nous garantir aux citoyens l’accès à des informations fiables et impartiales ? La réponse à cette question déterminera l’avenir de nos démocraties.

Le rôle des médias de service public

Les médias de service public (MSP) ne sont pas les seuls gardiens de la vérité, mais je pense que leur rôle devient de plus en plus important. En Europe, les MSP sont les sources d’information les plus fiables dans 91 % des pays. Ils continuent d’être les plus gros investisseurs du continent en matière d’informations et d’actualités de qualité. Nos membres dépensent environ 6 milliards d’euros par an en actualités et emploient plus de 45 000 journalistes.

De ARD Faktenfinder en Allemagne à RTBF Faky en Belgique, en passant par BBC Verify, Vrai ou Faux en France et bien d’autres, ils continuent d’investir massivement dans la vérification des faits alors que d’autres cessent leurs engagements.

Ce rôle est plus crucial que jamais. Il doit être défendu et protégé de l’ingérence du gouvernement et des agrégateurs d’informations affamés d’IA qui se nourrissent du travail d’autres personnes sans attribution, surveillance ou compensation financière.

Régulation

Nous vivons dans un monde où la « réglementation » est de plus en plus qualifiée de « sale » mot. Rétrograde, régressive, déconnectée des développements technologiques modernes. Nous avons tous lu le scénario. Mais nous devrions prendre du recul et nous demander qui écrit ce scénario ? Ce n’est pas le grand public qui a du mal à comprendre ce qui est réel ou non dans le monde en ligne. Ce n’est pas non plus ceux qui croient aux processus électoraux démocratiques qui ne sont pas ouverts aux manipulations étrangères. Ce n’est pas non plus ceux qui investissent dans des contenus uniquement pour les voir utilisés ouvertement par d’autres à leur profit.

L’autosatisfaction de ceux qui s’attaquent à toute réglementation des Big Tech n’a d’égal que leur propre intérêt.

En Europe, nous avons une loi sur les services numériques et une loi européenne sur la liberté des médias qui nous donnent un pouvoir et une protection s’ils sont correctement appliqués. Nous ne pouvons pas nous en détourner simplement à cause de ce qui se passe sur un autre continent.

Un appel à la collaboration

La collaboration est également essentielle. Ceux qui défendent la liberté de la presse, ceux qui investissent dans leurs contenus et veulent les voir protégés, ceux qui croient en la responsabilité et la transparence, que ce soit dans les médias de service public, les médias commerciaux ou la société civile, doivent travailler plus étroitement ensemble pour combattre une menace commune.  Nous, à l'UER, sommes très ouverts à ce genre de discussions. 

L'alternative, comme l'a dit un journaliste de renom la semaine dernière, est que nous vivions dans un « monde sans faits ». Si nous attendons trop longtemps, ce sera déjà une réalité.

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Contact


Noel Curran

Directeur général de l'UER

dgo@ebu.ch